Arnaque au président: le salarié victime peut-il être licencié ?

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Qu'est-ce qu'une arnaque au président  ?

L’arnaque au président consiste pour le fraudeur à contacter une entreprise cible, en se faisant passer pour le président de la société mère ou du groupe. Le contact se fait par courriel ou par téléphone. Après quelques échanges destinés à instaurer la confiance, le fraudeur demande que soit réalisé un virement international non planifié, au caractère urgent et confidentiel. La société sollicitée s'exécute, après avoir reçu les références du compte étranger à créditer.

La question : le salarié victime de la fraude, qui a donc permis au fraudeur de parvenir à ses fins peut-il être licencié, alors même qu'il est de bonne foi ?

La Cour d'appel de Paris a récemment jugé le cas d'une salariée comptable, contactée par courriel par un individu se présentant comme son président. Après plusieurs échanges destinée à la mettre en confiance, il obtient de sa part qu'elle réalise un virement d'un montant de près de 196.000 €, virement qu'elle va réaliser en deux fois, compte tenu des plafonds bancaires en vigueur.

Finalement, les contrôles de la banque vont permettre de stopper la procédure de virement avant que les fonds ne soient transférés à l'étranger.

La salariée va cependant être licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant notamment son défaut de vigilance, en considérant que les faits constituaient un manquement à la prudence et à la vigilance qu'il était en droit d'attendre d'une professionnelle comme elle. Selon l'employeur, la salariée savait que l'entreprise n'avait pas de partenaire commercial chinois, que les montants demandés étaient inhabituellement élevés, que les mails reçus étaient truffés de fautes d'orthographe, alors que la syntaxe du président était normalement irréprochable. Elle aurait du être alertée et demander une confirmation avant de prendre l'initiative d'un tel virement.

Ce n'est cependant pas l'analyse que va faire la Cour d'appel de Paris de ce dossier qui va constater :

  • Que la salariée était de bonne foi (préalable évidemment nécessaire dans ce type de dossier)
  • Que la salariée n'avait reçu aucune formation sur la cybersécurité, qui lui aurait permis d'acquérir les réflexes nécessaires pour déceler de type de fraude
  • Que l'entreprise n'avait pas mis en place de procédure interne pour sécuriser les validations de flux financiers et se protéger de ce type d'arnaque.
En outre, et c'est intéressant, la Cour d'appel note l'habilité des escrocs mettant en oeuvre de type d'arnaque et la manipulation mentale à laquelle ils ont recours.

La Cour d'appel décide donc que le licenciement de cette salariée victime d'une "fraude au président" est un licenciement sans cause réelle et sérieuse. (Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 20 juin 2024)

Donc, en conclusion, l'entreprise qui souhaite licencier un salarié qui a été victime d'une arnaque au président (ou toute autre type d'arnaque) doit être également irréprochable de son côté : A minima : formation des salariés exposés sur les risques / points de vigilance en matière de cybersécurité et en interne, processus de contrôle/double validation (ou autre) pour des virements importants / virement à l'étranger / virement hors Europe.

Vous avez besoin d'un conseil dans la gestion d'une procédure de licenciement ou dans la gestion d'un procès devant le Conseil de Prud'hommes : vous pouvez prendre un rendez-vous au Cabinet au 04 28 70 39 29.




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