Le recours à un ou plusieurs salariés détachés implique pour le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage une obligation de vigilance à laquelle il convient d’accorder toute l’importance nécessaire.
Les salariés détachés en France en application d’un règlement européen ou d’une convention bilatérale de sécurité sociale continuent à relever du régime de protection sociale de leur Etat d’origine et n’ont pas à être affilié au régime de protection sociale français durant le temps de leur détachement.
Un formulaire spécifique, le formulaire A1 (ancien formulaire E 101) atteste de la législation sociale qui leur est applicable. Ce formulaire doit être demandé par l’employeur et est délivré par l’organisme de protection sociale dont relève le salarié concerné. (Voir sur ce point notre précédent article : Salariés détachés et formulaire A 1 )
La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt en date du 24 janvier 2019, que ce certificat A1 (en l’espèce, ancien E 101) s’impose aux administrations et juridictions.
Une société française de bâtiment , la Société SAS BATIVAL, faisait travailler des ouvriers de nationalité polonaise sur ses chantiers situés en France, sous la législation du détachement, chaque salarié étant détenteur d’un certificat E 101 (à l’époque).
A la suite de contrôles diligentés par l'inspection du travail et à des actions pénales au titre du travail dissimulé, la Société de bâtiment est reconnue comme étant l’employeur de ces ouvriers. En effet, le juge pénal, après avoir analysé la situation des ouvriers polonais travaillant sur les chantiers, a relevé que « l'exécution du travail des ouvriers polonais se faisait sous l'autorité de la Société BATIVAL, ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements' et que 'la preuve est rapportée que les ouvriers polonais étaient dans le même lien de subordination que tous les autres employés à l'égard de la Société. Il en a conclu que les délits de prêt illicite de main-d’œuvre dans un but lucratif et de travail dissimulé étaient établis, faute d'avoir respecté les 'formalités prescrites par le code du travail au titre d'un contrat de travail.
Cette condamnation devient définitive.
Il n’est dès lors plus possible de contester la réalité des contrats de travail existant entre les ouvriers polonais et la Société de bâtiment.
Se basant sur l’existence de ces contrats, et l’absence de formalités et déclaration auprès des organismes sociaux, l’URSSAF notifie un important redressement à l’entreprise.
Celle-ci conteste le redressement, en indiquant que les ouvriers étaient détenteurs d’un certificat E 101 (A1) et qu’en conséquence, ils étaient affiliés aux organismes sociaux de leur pays d’origine auprès desquels les cotisations avaient été versées.
L’arrêt la Cour d’appel rejette l’argument de la Société et confirme le redressement, au motif que « l'analyse de la situation de détachement, au sens soit de l'arrangement administratif fixant diverses mesures d'application de la convention générale de sécurité sociale entre la France et la Pologne du 2 juin 1948, soit de la réglementation européenne, invoquées cumulativement par la société Batival, qui constitue l'essentiel de l'argumentation de cette dernière, suppose le maintien d'un lien de subordination entre l'employeur du pays d'envoi et le salarié ; que la juridiction pénale ayant retenu que le lien de subordination avait été transféré et que les salariés étaient liés à la société Batival par un contrat de travail, il ne pouvait donc exister de situation de détachement au sens de ces dispositions, de sorte que l'argumentation de l'intimée sur ce point, et notamment la validité des certificats de détachement, n'a pas lieu d'être examinée.
Cet argument est sèchement censuré par la Cour de cassation :
Elle rappelle que « qu'un certificat E 101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un État membre, en application des règlements CE n° 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71 ; que les institutions des États amenés à appliquer les règlements n° 1408/71 et 574/72, doivent, même dans une telle situation, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des États membres qui portent sur la validité ou l'exactitude d'un certificat E 101, »
En conséquence, les juridictions françaises n’ont pas le pouvoir d’écarter un formulaire de détachement E 101 (actuel A1) quand il existe, et ce quelque soit les circonstances de fait. Il existe une procédure spécifique à ce titre, prévu dans les traités européens, et il revient aux juridictions françaises de s’y conformer.
Cour de cassation 24 janvier 2019, n° 17-20191
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