La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été saisie par une fédération professionnelle du secteur de la plasturgie d’une demande d’avis portant sur la conformité au droit de la pratique mise en œuvre par un fournisseur ou un distributeur de matières premières à l’occasion de la survenance d’un cas dit de « force majeure » affectant la production des matières premières achetées par les plasturgistes pour les besoins de leur propre fabrication.
- Comment qualifier l’existence d’une force majeure
Selon l’article 1218 du code civil, alinéa 1er, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».
Selon la CEPC, il est permis de considérer que l’évènement invoqué (panne électrique) ne rend pas l’approvisionnement en matières premières radicalement impossible pour le débiteur, de sorte qu’il ne devrait pas pouvoir être qualifié de force majeure. La commission précise cependant ne pas avoir l’ensemble des éléments factuels permettant d’apprécier si la panne électrique revêt les trois caractères cumulativement requis.
- La notion de déséquilibre significatif
Le Code du commerce, dans son article L 442-1 (rédaction 2019), prévoit :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
La mise en œuvre de la responsabilité implique que deux éléments constitutifs cumulatifs soient constitués, à savoir : soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Selon la commission : « Le premier élément constitutif a été identifié par la Cour de cassation comme le fait d’imposer ou tenter d’imposer sans possibilité de négociation. Tel pourrait être le cas, par exemple, si le fournisseur menace son client de ne pas l’approvisionner comme convenu, sauf si ce dernier accepte une augmentation du prix convenu »
Toujours selon la Commission, « s’agissant du second élément, consistant en un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, il convient d’observer que l’augmentation tarifaire ainsi sollicitée ne paraît ni être assortie d’une contrepartie, ni répondre à une justification ou un motif légitime.
La conclusion de la commission est donc la suivante :
« La qualification de force majeure paraît devoir être écartée, faute d’impossibilité radicale d’exécution, lorsqu’une augmentation de prix est demandée à l’acheteur de produits en faisant valoir un tel motif. Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat pourrait autoriser une demande de renégociation à condition de rendre l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’aurait pas accepté d’en assumer le risque et à la condition que la partie sollicitant la renégociation continue d’exécuter dans l’intervalle ses obligations.
La pratique consistant à demander à l’acheteur une augmentation du prix précédemment fixé d’un commun accord en arguant de la « force majeure » est susceptible de contrevenir à la règle sur le déséquilibre significatif édictée à l’article L. 442-1-I-2° (anciennement L. 442-6-I-2°) du code de commerce. Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle pouvait également être appréhendée sur le fondement de l’ancien article L. 452-6-I-4° et 12° du code de commerce. »
Avis n° 19-9 de la CEPC (Avis n° 19-9 relatif à une demande d’avis d’une organisation professionnelle portant sur des pratiques mises en œuvre par des fournisseurs invoquant un cas de force majeure)
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